Je ne sais pas dire “Non !”

La question de notre internaute :

Je veux toujours rendre service, je ne sais pas dire non. Du coup, je suis de tous les déménagements, j’écoutev cv mes voisins se plaindre et je dépose tous mes amis en voiture en rentrant de soirée. Est-ce parce que je suis faible ? Comment faire pour arriver à m’imposer ?

Ce qu'en dit Sarah :

Ne pas être indifférent aux petits ou grands tracas du quotidien de ses proches, amis, ou collègues n'est-ce pas plutôt une preuve d'altruisme ? Vous avez, dans la formulation de votre question, où d'emblée vous sous-entendez que sans doute êtes-vous « faible », une drôle de façon de vous dévaloriser, qui mériterait peut-être que vous preniez le temps d'y réfléchir. Faible par rapport à qui ? Par rapport à quoi ? Depuis combien de temps ne savez-vous pas dire « non » aux autres ? Par exemple, quand vous étiez enfant, à l'école, vous arrivait-il d'aider les autres plus que vous ne l'auriez souhaité ? Dans quel but ?

Quand l'enfant apprend à dire « non »

Le rapport que l'on a à sa propre parole et à la parole de l'autre s'ébauche dès la naissance. Vers l'âge de deux-trois ans, au moment où l'enfant commence à bien parler, il découvre qu'il est autonome. Cet apprentissage de l'autonomie passe notamment par une phase d'opposition aux parents. S'opposer, c'est aussi délimiter les contours de son espace. C'est l'âge du « non », auquel l'enfant s'essaie, pour tester les limites qu'il y a à ne pas dépasser (« est-ce que maman va s'énerver si je lui dis que je ne veux pas aller à l'école? Et si je lui dis que je ne veux pas manger ? ») et éprouver ce qui se passe, s'il dit « non » à ses parents. Vont-ils le comprendre ? Vont-ils cesser de l'aimer ? Précisément, de quel genre d'éducation avez-vous bénéficié ?

Rejeter une proposition de l'autre ou rejeter l'autre ?

Ce n'est pas parce qu'on répond « non, je ne peux pas venir t'aider pour ton déménagement, j'ai d'autres engagements prévus ce week-end » ou « non, je suis désolée, Madame, mais je n'ai pas le temps de discuter avec vous, je dois partir à un rendez-vous », que l'on rejette l'autre. On rejette seulement une proposition qu'il a énoncée. Inversement, ce n'est pas parce que l'on dit « oui » à toutes les demandes d'autrui que l'on va se rendre plus aimable.

Coller aux désirs d'autrui en espérant se faire aimer

Aider les autres, c'est bien. Passer son temps à vouloir leur faire plaisir en s'oubliant, c'est périlleux. Une personne qui ne sait pas dire « non » a peur qu'on ne l'aime pas pour elle-même. Elle en vient donc à se calquer complètement sur les désirs de l'autre (que veut-il ? Qu'est-ce qui pourrait lui faire plaisir ? Qu'est-ce qui pourrait me rendre aimable à ses yeux?) au risque de perdre complètement de vue ses propres désirs.

Réparer l'autre ou se réparer ?

Qu'est-ce qui se cache derrière cette volonté de vouloir ménager l'autre à tout prix ? Ce comportement est souvent lié à un énorme besoin de se faire aimer, de recevoir des marques d'affection et d'apparaître, aux yeux des autres, comme quelqu'un de moralement irréprochable. Mais alors, que vous reprochez-vous ? Ou plutôt, que vous a-t-on reproché, quand vous étiez enfant ?
Il arrive aussi que certaines personnes veulent absolument aider les autres et tout prendre en charge sans cesse pour pouvoir, paradoxalement, éprouver un sentiment de toute-puissance. Ces personnes ont l'impression que si elles sont sans cesse disponibles pour les collègues, pour les amis, comme pour les inconnus qui soudain leur demandent de l'aide, elles seront irremplaçables et qu'on ne pourra pas les laisser tomber comme ça.

Vous le constatez vous-même, cette situation ne vous convient plus et peut-être en voulez vous tout autant aux autres de s'immiscer dans votre espace, via leurs demandes, qu'à vous, de vous sentir dans l'obligation de répondre à ces demandes.

Alors, en résumé, que faire ?

D'abord, prendre conscience que cette façon de dire « oui » à tout n'est pas le plus sûr moyen de s'attirer l'estime, la considération, le respect ou l'amour de l'autre. Si quelqu'un dit toujours oui à tout, quelle que soit la demande, quelle valeur, quel prix accorder à sa parole ?

Ensuite, vous recentrer sur vos désirs à vous : qu'aimez-vous vraiment dans la vie ? Qu'est-ce qui vous plaît ? Quels sont vos goûts ? Qui sont les personnes qui comptent vraiment pour vous ? Et qu'est-ce que vous n'aimez pas ? Qu'est-ce qui vous fait peur ? Qu'est-ce qui vous met en colère ?

Si vous sentez que vous n'arrivez pas à faire ce travail seule, c'est peut-être le moment pour vous d'entreprendre une psychothérapie qui vous aidera à reprendre la parole – mais aussi, peut-être, à comprendre à quel moment vous l'avez perdue.

Sarah Chiche
www.sarah-chiche.blogspot.com